Entretien avec Cédric NICOLAS, CTO du groupe EMC2, par Sara Rami, journaliste à Luxe Radio, 23 juin 2025
Sara Rami : Aujourd'hui nous recevons Cédric Nicolas CTO et country manager du groupe EMC2 group, expert en blockchain web 3 et crypto actifs. Avec lui nous allons tenter de répondre à cette question : Où va l'économie numérique à l'ère du web 3 des crypto actifs et des NFT. Bonjour Cédric
Cédric Nicolas : Bonjour
Sara : Merci beaucoup d'être avec nous. Alors parlons architecture et souveraineté numérique pour commencer le web 3 est souvent présenté comme un nouveau paradigme décentralisé face aux modèles centralisés du web 2 concrètement comment on redéfinit l'architecture d'Internet et quelles ruptures techniques on observe, une façon de vous demander quelle est la différence entre 2 et 3 ?
Cédric : En fait le web 3 doit son origine à quelque chose dont tout le monde a entendu parler c'est à dire le Bitcoin. Le Bitcoin s'appuie sur une technologie qui s'appelle la blockchain ou chaîne de blocs qui est un système décentralisé de nombreux ordinateurs qui vont avoir pour objet de sécuriser des transactions. Donc au départ c'est vraiment cette idée là c'est de pouvoir s'envoyer de l'argent sans intermédiaire. Cette technologie de blockchain est l'héritage de 40 années de d'évolution technologique dans la cryptographie dans l'informatique distribuée et dans les réseaux. Elle a été initiée paradoxalement au moment d'une crise économique majeure, la crise de 2008 et le Bitcoin a été lancé en 2009. La blockchain ensuite a été améliorée et étendue et il y a de nombreux fournisseurs de cette technologie avec beaucoup de variantes mais toujours sur le même principe c'est d'utiliser un nombre important d'ordinateurs répartis dans le monde entier pour sécuriser les transactions qui au départ étaient financières et maintenant peuvent être de plein d'autres natures pour sécuriser des documents des contrats etc. Donc voilà le changement de paradigme.
Sara : Le web 3 ajoute en fait la capacité à à payer à échanger de valeur et à sécuriser de pair à pair donc de personne à personne directement et c'est là d'où vient cette révolution. Donc on peut dire que le web 3 repose sur la blockchain, la décentralisation des identités, les smart contracts. Avec la rupture avec la centralisation de manière générale, on parle beaucoup de souveraineté numérique Cédric Nicolas, or selon le rapport du Parlement européen 2023 sur la blockchain moins de 3 % des nœuds ethereum sont hébergés en Afrique comment est-ce qu'on peut développer une infrastructure du coup souveraine sur ces technologies dans des pays comme le nôtre.
Cédric : Alors il y a un paradoxe ici puisque ce qu'on cherche à travers une blockchain c'est d'avoir un système sécurisé et résilient c'est à dire qu'il ne tombe pas en panne et clairement cette technologie le permet. Mais pour assurer ses qualités là il faut un grand nombre d'ordinateurs et il faut qu'il soit répartis géographiquement également notamment pour prévenir des risques de guerre ou d'attaque etc. Et donc c'est par la distribution géographique qu'on va obtenir ces qualités là. La souveraineté effectivement qui consiste à dire que les données doivent être maîtrisées par l'État ou par une nation rentre un petit peu en conflit avec ça. On peut imaginer par exemple une blockchain uniquement marocaine on aurait un certain nombre de bénéfices mais on n'aurait pas la panacée en termes de sécurité de décentralisation etc. Je ne sais pas si vous vous souvenez de la panne récente d'électricité en Espagne qui a affecté également le Maroc indirectement parce que certains centres téléphoniques étaient en Espagne. Vous connaissez l'histoire, on voit bien qu'un territoire défini peut être en péril à un moment donné et donc il y a ce paradoxe de la souveraineté. Alors ce qu'il faut comprendre quand même c'est que pour l'essentiel des blockchains on parle de blockchain publique, d'ailleurs on parle aussi de registres publics décentralisés, si on généralise un peu ces technologies de blockchain. Qu'est-ce que ça veut dire public ? Ca veut dire que non seulement tout le monde peut y accéder mais aussi que les données qui sont visibles sur cette blockchain sont accessibles publiquement c'est aussi ce qui définit la sécurité des transactions, ça vient de l'Open Source etc. A partir du moment où les choses sont publiques tout le monde peut venir vérifier que les choses qui sont inscrites dessus sont vraies donc évidemment il est conseillé voire fortement recommandé qu'il n'y ait aucune donnée personnelle sur la blockchain.
Donc si on revient sur la souveraineté, ça amène une solution par rapport à ce que je disais tout à l'heure à savoir que les données privées les données sensibles ne seront pas stockées sur la blockchain. On va stocker sur la blockchain des données chiffrées ou ce qu'on appelle des hash c'est à dire des identifiants qui vont représenter ces données publiques mais de façon cryptée donc on trouve un compromis de cette façon là.
Sara : Notre pays vient d'annoncer récemment des initiatives autour du dirham numérique c'est pas la peine peut-être que je vous pose la question de savoir comment articuler monnaie numérique de banque centrale et crypto actifs dans un même système puisque vous dites vous dites que c'est ultra sécurisé déjà la blockchain.
Cedric : Alors là on est dans une question qui demanderait beaucoup de développements mais cette transition est intéressante. La première grande différence qu'il y a entre une monnaie numérique de banques centrale et les crypto actifs c'est que la monnaie numérique de banque centrale est émise, par définition, par une banque centrale donc quelque part c'est l'État qui est le garant et le créateur de de ce système, là où les autres possibilités comme les Bitcoin et les stablecoins et les autres moyens de paiement dont on reparlera peut-être, elles sont émises soit par des entités privées, soit dans le cas du Bitcoin il est totalement décentralisé personne ne le contrôle, ce sont les développeurs qui proposent un protocole d'échange, et qui est accessible à tout le monde et qui fonctionne tout seul si je puis dire. Donc il y a cette opposition là et en termes de monnaie effectivement la question de la souveraineté est essentielle, c'est à dire est-ce qu’une monnaie qui serait émise par des entités décentralisées ou des entités privées aurait un caractère souverain on peut se poser la question. En fait c'est possible il suffit simplement que des garanties de ces monnaies c'est à dire les réserves collatérales qui vont assurer la solidité la stabilité et la liquidité de cette monnaie soit contrôlée ou soit régulée par l'État et donc on peut trouver des compromis et c'est ce qui est en train de se passer aujourd'hui dans le monde. La blockchain est en train d'envahir ou d'intégrer massivement les infrastructures de paiements mondiales parce qu’elle est simplement plus efficace donc on risque pas une cannibalisation plutôt une complémentarité c'est une excellente question.
Pour moi de toute façon il y a aussi ici une affaire d'urgence dans la souveraineté monétaire. Pourquoi ? Aujourd'hui les monnaies sur blockchain et en particulier les stablecoin sont essentiellement libellés en dollars avec une sur-représentation par rapport aux monnaies traditionnelles. Est-ce qu’il faut permettre au secteur privé de créer des monnaies privées sous contrôle de l'Etat ou est-ce que c'est l'État lui-même qui doit créer sa monnaie et la réforme cette question reste encore ouverte. Les deux ont des inconvénients et des avantages.
Sara : Peut-être que le plus sage bien sûr, je vous pose la question c'est vous l'expert, serait une complémentarité possible entre une monnaie numérique créée par un état et des stablecoins régulés ?
Cedric : Tout à fait il y a une complémentarité possible. Il faut faire simplement attention à une chose c'est que c'est la capacité du public, des utilisateurs, à la fois des individus des entreprises, à accepter et utiliser une nouvelle monnaie. Parce que si vous lancez quelque chose qui n'est pas accepté vous aurez perdu beaucoup d'argent et ça c'est un risque pour les monnaies numériques de banque centrale qui est majeur parce que beaucoup d'utilisateurs vont probablement se méfier d’une monnaie digitale contrôlée par l'État. Est-ce que l'État ne pourrait pas un moment donné me bloquer mon argent, voire même me le plafonner, ou surveiller tout ce que je dépense, alors que quand on l'utilise des espèces des billets des pièces ce n’est pas le cas.
Si je vous donne de l'argent, à moins qu’il y ait une caméra, l'État ne voit pas ce que je suis en train de faire. Donc il y a un vrai risque ici qui doit être pris en compte dès le début dès la conception du système.
Sara : en 2024, 70 % des projets Web 3 nous dit-on ont échoué dans les 18 mois est-ce que c'est un défaut de gouvernance des DAO les organisations autonomes décentralisées ? Quel modèle fonctionne vraiment ?
Cédric : alors c'est cette question intéressante. Bon il faut dire qu’au début du web la plupart des projets web ont échoué aussi très vite, ça c'est le phénomène généralisé des start-ups. On sait très bien qu'au bout de 5 ans vous avez plus de 2 start-ups sur 3 qui ont disparu. Bon il se trouve que sur le web 3 on introduit quelque chose de nouveau c'est une évolution du web pour transporter de la valeur. La mise au point est de des applications est plus complexe parce qu'évidemment s'il y a des problèmes c'est tout de suite beaucoup d'argent qui est perdu, on a vu de nombreux problèmes dans le monde du web 3 les piratages etc qui ont été très néfastes pour ce secteur, même si ça commence maintenant à se calmer parce qu'effectivement on a appris de nos erreurs. Mais le résultat de ça c'est qu'effectivement il y a beaucoup de projets qui ont échoué parce que ils étaient trop ambitieux, mal gérés et où ou souvent trop spéculatifs c'est à dire finalement c'était des projets pour enrichir un tout petit nombre au profit du au profit de la masse. Voilà les raisons. Il y a des exemples inverses aussi.
Sara : Oui bien sûr il y a des réussites tout à fait. Parlez-nous de la tokenisation de l'économie réelle si vous permettez Cédric Nicolas je rappelle que vous êtes si CTO et Morocco Country Manager du groupe EMC2 Group. Quelles classes d'actifs sont réellement en train d'être transformées et avec quelles limites ?
Cedric : Alors il faudrait peut-être définir rapidement ce que c'est que la tokenisation. C'est la représentation numérique d'un actif du monde réel alors quand on parle actif du monde réel ça peut être beaucoup de choses à commencer par la monnaie c'est un actif du monde réel. Mais ça peut être les pierres précieuses, ça peut être l'or, ça peut être l'énergie, ça peut être des matières premières et y compris l'agriculture etc. Donc ça peut s'appliquer potentiellement à de très nombreux domaines et il est vrai que le la tokenisation est très prometteuse. D'abord je vais parler de l'avantage principal de la tokenisation, qui permet de représenter un actif et de le diviser en un tout petit nombre de parts ce qui permet d'élargir la base d'investisseurs. C'est à dire qu’aujourd'hui si vous voulez acheter une maison il vous faut une somme minimale par contre avec la tokenization vous pouvez regrouper de nombreuses personnes qui vont pouvoir faire l'acquisition du bien avec un ticket d'entrée beaucoup plus bas donc ça c'est un véritable avantage. Ça permet de démocratiser l'épargne quelque part dans toutes sortes d'actifs mais la difficulté c'est comment on garantit que ce que j'ai est tokenisé existe bien. Il faut une preuve de réserve. Si vous tokenisez de l'or et que vous voulez acheter un token d'or, est-ce que vous êtes sûr que celui qui vous le vend a bien l'or qui correspond et si vous voulez revendre votre token est-ce qu’il va être en capacité de vendre l'or et de vous donner votre argent en échange ça c'est la grande question. On voit donc bien qu’il est plus facile de tokeniser de l'argent que de tokeniser de l'immobilier ou de l'or. Même si tous ces projets existent, potentiellement on peut tokeniser quasiment toutes l'économie. Aujourd'hui on voit notamment les grands acteurs américains comme Blackrock et d'autres tokeniser les titres financiers, les OPCVM, les ETF aussi qui sont ces fonds d'investissement tokensés. Un ETF c'est un produit financier qui détient des actifs réels et ensuite qu'on divise en parts tokenisés et on les vend aux gens. Donc potentiellement ça touche beaucoup de choses ce qui est très intéressant c'est que dans le cadre des pays émergents la tokenisation des ressources naturelles je la vois extrêmement prometteuse. Si vous tokenisez par exemple la production agricole ça veut dire que vous allez permettre à des investisseurs d'investir dans la production et la récolte future et donc ça va permettre de financer les agriculteurs, ceci est extrêmement prometteur. Il y a déjà pas mal de projets en Afrique sur ce sujet là. Evidemment pour ça il faut déjà avoir réglementé les crypto actifs
Sara : Pour le coup puisqu'on n'en a pas parlé ça peut être justement les limites juridiques et les problèmes aussi d'interopérabilité entre blockchain.
Cédric : Oui ça c'est tout à fait ça vous avez parfaitement raison. Alors la première chose c'est qu'effectivement il faut un cadre juridique. Une des raisons pour lesquelles EMC2Group est ici c'est que nous souhaitons déployer des services en préparation de la sortie de cette loi sur les cryptoactifs qui semble prometteuse et qui a été rédigée dans un esprit de ne pas bloquer l'innovation et ça c'est une bonne nouvelle. Donc il faut un cadre juridique qui permette à ces sociétés de développer ces services et qu'est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire que ceux qui vont opérer ce type de service vont mettre de la valeur sur l'Internet, il faut qu'ils respectent un cahier des charges. C'est le but de cette loi, c'est de définir un nouvel agrément de prestataire de service sur crypto actifs avec une liste d'activités assez large vous allez pouvoir faire de la tokenisation, du trading, émettre des stablecoins, faire des prêts en crypto monnaie, financer des projets en crypto monnaie, la liste est assez large et ça c'est très prometteur. Donc il faut un cadre sinon on ne peut pas travailler. Ensuite effectivement la problématique de l'interopérabilité, ça c'est une problématique purement technique. En général quand il y a un problème technique on finit toujours par trouver des solutions. Mais vous avez raison dans un sens où aujourd'hui le monde du web 3 est assez hétérogène et il est même très hétérogène et on sait que ça va se concentrer. C'est à dire qu'on va d'ici 5 10 ans avoir beaucoup moins de blockchains différentes elles vont un peu se spécialiser il y aura des blockchains spécialisés pour les paiements, des blockchains spécialisées justement pour la tokenization,etc. ca sera plus facile à gérer.
Sara : voilà merci de me tendre la perche Cédric Nicolas en parlant de ce que vous faites avec EMC2group il se trouve que vous travaillez aussi sur des solutions de certification de diplômes n'est-ce pas et d'identité via blockchain corrigez-moi si je me trompe.
Cédric : ça c'est des choses que j'ai faites dans le passé au Maroc. EMC2 group se concentre sur la gestion des paiements et en particulier à commencer par la remittance, c'est-à dire gérer les 12 milliards de dollars qui arrivent chaque année au Maroc.
Sara : ce qui n'empêche que je vous pose quand même la question sur comment résoudre par curiosité la problématique d'identité souveraine à l'échelle africaine et quel protocole on pourrait utiliser
Cédric : alors là vous parlez d'un autre sujet, vraiment vous avez bien préparé l’émission, j'adore ! La gestion des identités c'est un enjeu majeur parce qu'effectivement si on veut avoir un cadre sécurisé pour lutter contre le blanchiment le financement de terrorisme et tous les fraudes, il est indispensable de pouvoir vérifier les identités. Donc la gestion des identités est un enjeu majeur et la blockchain peut apporter des solutions. Ce qu'on va pouvoir faire c'est décoreller l'émission d'une identité numérique de sa consommation. Je vous donne un exemple très concret : vous pouvez entre guillemets tokeniser un diplôme et le rattacher à une identité et ça c'est fait côté de l'Université qui a émis le diplôme et puis ensuite vous pouvez avoir un recruteur ou une entreprise qui va donc pouvoir vérifier formellement un diplôme et celui qui le détient de façon complètement indépendante de l’entité qui a émis ce diplôme. C'est vraiment l'idée de l'identité décentralisée, c'est que l'utilisateur, la personne, est maître de ses données et elle décide de ce qu'elle dévoile.
Je vous donne un autre exemple, si vous voulez passer votre permis de conduire vous avez juste besoin de prouver que vous avez plus que 18 ans ou 21 ans, je ne sais pas quel est l'âge de la conduite ici. Pour pouvoir avoir le permis de conduire vous n’avez pas besoin a priori de détailler d'autres choses. Donc vous allez pouvoir vous-même décider de ce que vous dévoilez, donc ça c'est vraiment l'apport majeur de l'identité décentralisée, et la blockchain évidemment elle à un rôle à jouer parce qu'elle permet de sécuriser et de certifier ces éléments.
Sara : les NFT maintenant Cédric Nicolas. Le marché des NFT a chuté de 95 % en volume entre 2022 et 2024 mais on voit émerger une utilité réelle entre guillemets des NFT : billetterie, propriété intellectuelle, traçabilité. Vers quoi évolue ce marché ?
Cédric : Vous avez en partie répondu à votre question par vous-même. C'est vrai qu'on a eu une période pendant le Covid, 2021 2022, de hype autour des NFT, il y avait beaucoup beaucoup
la spéculation avec des prix qui sont montés très haut et aujourd'hui ils sont vraiment au plancher. On voit apparaître effectivement un usage beaucoup plus utilitaire des NFT et comme très souvent quand vous avez des technologies comme ça émergentes, il y a au début un cafouillage et finalement reste ce qui est vraiment utile. Pour rappel le NFT c'est un c'est un jeton qui est unique contrairement à Bitcoin par exemple : un Bitcoin égal à Bitcoin d'accord ça s'appelle la fongibilité. Une NFT c'est un jeton non fongible c'est à dire qu’un NFT ne vaut pas un autre NFT. Donc c'est un certificat numérique et ça peut servir à plein de choses : certifier les œuvres d'art, un diplôme, une carte de membre, un ticket d'entrée à un concert, etcetera. Donc ça a clairement une utilité et c'est déjà en train d'être utilisé, sauf qu'aujourd'hui en fait les services qui l'utilisent ne mettent plus le mot NFT en avant parce que il est moins vendeur mais ils l’utilisent bien techniquement. Donc les NFT ça continue et c'est utilisé et c'est très pratique, on voit aussi des NFT dynamiques couplées à l'identité.
Sara : Le métaverse qui semble en perte de vitesse selon Mc Kinsey l'engagement utilisateur a chuté de 30 % depuis 2023 pourtant méta Apple ou Epic Games investissent toujours on peut dire massivement quand même quel avenir pour cette univers merci ?
Cedric : Là aussi ça dépend du point de vue parce que moi si je regarde mes enfants ils sont dans le métavers quand même assez souvent à travers surtout les jeux vidéo, donc pour moi le Metaverse il existe et on voit ces grands éditeurs de jeux et de contenus en ligne intégrer ce principe : je suis dans un monde virtuel, mais dans ce monde virtuel je peux avoir des connexions avec le monde réel c'est ça l'idée du métavers, je vais avoir une représentation d'une rue ou d'une boutique je vais rentrer dans la boutique et puis je vais voir les objets qui sont dedans et je vais pouvoir les acheter et cetera et cetera. Tout ça existe sauf que c'est plus non plus la hype du jour et encore une fois reste ce que les utilisateurs apprécient vraiment c'est à dire des interfaces fluides et de plus en plus aussi des environnements sécurisés parce que là aussi dans ce monde-là il y a eu beaucoup d'arnaques.
Sara : alors je vais faire une petite série de questions avant de clore cette interview. L'intelligence artificielle et la blockchain alors est-ce que c'est il y a de la synergie là dedans ou c'est un buzzword croisé, j'ai envie d'avoir votre votre point de vue là-dessus.
Cédric : c'est intéressant parce que ce matin même j'écoutais une vidéo sur ce sujet. Il y a plus que de la synergie c'est en train de fusionner complètement et ça c'est un point très important. Il est en train de se passer quelque chose absolument majeur c'est ce qu'on appelle la technologie des agents IA. Qu'est-ce que c'est un agent IA ? C'est un c'est un petit programme qui en fait qui va avoir une certaine autonomie pour faire des opérations. Je vais vous donner un exemple très simple : vous allez parler à votre agent IA et vous allez lui dire : Réserves-moi un voyage à Bali avec tel niveau de prix etc. Il va travailler tout seul jusqu'à avoir fait la totalité de la recherche du booking des réservations des voitures, de l'hôtel, etc. Il va faire ça tout seul donc vous voyez le principe et quand il aura fini il va vous donner la réponse.
Bon sauf qu’il manque quelque chose à ces agents c'est de pouvoir payer et c'est là où les deux mondes vont se réunir c'est parce qu’en fait aujourd'hui quand vous voulez payer avec votre carte bleue vous savez que il y a entre 5 et 10 intermédiaires entre vous et le marchand à savoir votre banque, la banque du marchand, le réseau de cartes, le prestataire de service de paiement, la chambre de compensation, etc. Il y a plein d'intermédiaires et ça c’est un problème pour l'agent IA il ne peut pas fonctionner avec ça parce que ça n’est pas rapide, l'argent n'arrive pas tout de suite. Et là on voit tout de suite pourquoi les deux technologies sont en train de se marier c'est que la blockchain elle elle permet un paiement instantané avec règlement instantané à des coûts très faibles donc là l'agent IA il est dans un fromage, il travaille tout seul et il est très content. Donc c'est ce qui est en train de se passer c'est que la blockchain va devenir en fait le système de paiement entre agents IA et donc il y aura pas mal d'écosystèmes qui vont disparaître et aussi il y a plein d'écosystèmes qui vont se créer.
Sara : est-ce qu'il y a des cas concrets aussi dans la DeFi ou la cybersécurité avec cette synergie entre les deux là ?
Cédric : Vous évoquez un nouveau terme la DeFi qui veut dire finance décentralisée, quelque chose s'est apparu dans les années 2015 2016 mais qui s'est beaucoup développé aussi pendant le Covid. Donc qu'est-ce que c'est la finance décentralisée, c'est la capacité d'échanger, de faire du trading et un certain nombre d'opérations, comme du prêt, des échanges, de la garantie et même des assurances, etc sur la base de la blockchain. La DeFi est encore aujourd'hui en termes de volume relativement confidentielle par rapport à l'ensemble de la finance mondiale, mais on est en progression extrêmement rapide puisque il y a des très grosses acteurs de l'industrie du paiement l'industrie bancaire et surtout les industries je dirais financière qui l’intègrent de plus en plus, parce que la Defi elle automatise un certain nombre de processus pour améliorer les rendements des placements essentiellement, mais aussi pour fournir des services financiers par exemple comme le prêt ou l'emprunt et d'une façon décentralisée.
Dans DeFi il y a le terme “décentralisé” c'est très important de se souvenir de ça. Evidemment il y a une relation directe avec la cybersécurité que vous avez noté ici puisque cette DeFi, elle s'appuie sur les fameux contrats intelligents qui sont des petits programmes qui fonctionnent tout seul et qui vont en fonction des événements qui se passent, réagir et faire des nouveaux investissements etc.
Donc on imagine bien que quelqu'un qui prend le contrôle de ces contrats intelligents peuvent générer une grosse pagaille et c'est arrivé plusieurs fois. Mais ce secteur se développe parce que la blockchain reste un système extrêmement sécurisé et si on fait les choses correctement la DeFi fonctionne très bien et moi je suis convaincu que c'est un domaine qu'il faut que tout le secteur financier doit absolument étudier de près, parce que c'est le futur de la finance.
Sara : bon alors malheureusement on manque de temps mais citez moi deux trois projets peut-être ou protocole africains web 3 qui vous paraissent les plus prometteurs aujourd'hui.
Cédric : La vous me posez une question piège. Ce que je vois aujourd'hui déjà c’est qu'il y a un retard significatif entre l'Afrique francophone et l'Afrique anglophone aujourd'hui. Les succès sont dans des pays qui vraiment tirent le secteur à savoir le Kenya, le Nigéria, l'Afrique du Sud, le Ghana et l'île Maurice parce que l'île Maurice a eu très tôt une réglementation tout à fait favorable à la blockchain voilà donc eux ils sont très en avance. Il y a un certain nombre de start-ups comme FlutterWave, Yellow Card et d'autres qui ont levé beaucoup d'argent sur le domaine de la blockchain mais on en est au début je pense qu'il y a de nombreux champions qui vont arriver. Par exemple, il n’y a pas encore de blockchain panafricaine et là il y a un vrai sujet c'est vraiment un projet qui serait très intéressant à développer parce que là on n'aurait pas une portée mondiale mais l'Afrique c'est très grand et si on arrivait à développer une blockchain panafricaine ça pourrait avoir de nombreux intérêts et le Maroc pourrait devenir un hub régional. Le Maroc dispose de mon point de vue d'une opportunité extraordinaire, si le Maroc promulgue cette fameuse loi sur les crypto actifs dont on parle depuis longtemps mais enfin ça a l'air de s'accélérer nous avons rencontré les gens de la Banque centrale qui ont confirmé le fait que ça devrait aller plus vite. Le Maroc dispose d'une vraie opportunité, parce qu'il va pouvoir servir un peu de locomotive à tout le secteur de crypto actifs parce qu'il va donner un modèle avec un cadre dans législatif qui est sous contrôle mais favorable à l’innovation et de ce fait là il va tirer probablement tous les autres pays de la sous-région d'autant plus que vous avez des champions avec des banques qui ont de nombreuses filiales dans toute l'Afrique et ces banques là peuvent jouer un rôle très important pour sécuriser tout ça. Parce qu'à un moment donné les banques, elles ont leur rôle à jouer quand on a de l'argent stocké quelque part c'est quand même le meilleur moyen de sécuriser tout ça c'est de faire appel aux banques et leur métier de base. Elles doivent investir sur ce secteur et ne pas en avoir peur parce qu'aujourd'hui je peux vous dire qu’il y a de la prudence un petit peu exagérée.
Sara : Cédric Nicolas merci beaucoup d'avoir répondu à tous nos questions je rappelle que vous êtes CTO et Country manager du groupe EMC2 Group, expert en blockchain, web 3 et crypto actifs Vous avez à votre actif plus de 35 ans d'expérience dans les secteurs du web et du mobile et vous êtes aussi auteur du tout premier ouvrage en français sur le langage Java merci beaucoup merci au revoir